Les lymphomes indolents ou à évolution lente peuvent ne pas nécessiter de traitement immédiat.

Les lymphomes indolents ou à évolution lente peuvent ne pas nécessiter de traitement immédiat. Dans le cas des personnes en bonne santé, qui n’ont pas de symptômes généralisés et dont les ganglions lymphatiques ne grossissent pas rapidement ou ne menacent pas un organe, une surveillance régulière est la solution recommandée. Cette surveillance doit se poursuivre jusqu’à ce que la maladie évolue et que le traitement devienne nécessaire. On appelle ce protocole « attente vigilante ». Même si le fait de ne pas commencer rapidement le traitement peut poser des problèmes à certaines personnes, les recherches ont révélé que les patients qui étaient suivis de cette façon s’en tiraient aussi bien que ceux qui subissaient immédiatement un traitement de chimiothérapie.

Le protocole d’attente vigilante n’est pas bien connu du grand public. C’est pourquoi, lorsqu’un patient reçoit un diagnostic de lymphome et qu’on lui recommande l’attente vigilante comme solution, il peut se sentir inquiet. « Apprendre que les médecins ne veulent pas vous soigner immédiatement, c’est comme apprendre qu’ils ne savent pas quoi faire », affirme Ralph McNabb, qui a reçu un diagnostic de lymphome non hodgkinien en 2004. « J’avais l’impression que mon spécialiste m’avait laissé tomber, mais qu’il ne voulait pas me le dire. » De nombreux patients éprouvent ce sentiment. La nouvelle peut également être très décevante pour ceux qui ont passé quelques semaines à digérer leur diagnostic et à se préparer pour le traitement.

Si certaines personnes se sentent soulagées lorsqu’elles apprennent qu’elles ne doivent pas subir une intervention immédiate et un traitement qui pourrait changer leur vie, il n’est pas rare que les patients peinent à accepter cette recommandation, qui peut aller à l’encontre de leur détermination à « se battre ». La décision suscite donc beaucoup de discussions entre les patients et leur famille. « On entend normalement qu’un dépistage précoce du cancer favorise un meilleur pronostic. Comment puis-je me croiser les bras et attendre? Ne rien faire? Lorsque j’ai le cancer? », déclare Alyssa Burkus Rolf.

Les patients ont souvent de la difficulté à expliquer l’attente vigilante à leurs amis et aux membres de leur famille. Alors qu’ils ont eux-mêmes du mal à comprendre la nécessité de « ne rien faire », ils doivent répondre aux questions et aux préoccupations de leurs proches. « Les gens ne comprenaient tout simplement pas pourquoi mes médecins ne se dépêchaient pas de tuer les cellules cancéreuses dans mon corps », explique Carin Moritz. Après avoir finalement accepté que la recommandation des médecins était la meilleure solution pour elle, Carin remettait en question sa décision chaque fois qu’elle en parlait avec ses amis et collègues, ce qui suscitait beaucoup d’angoisse chez elle entre ses rendez-vous trimestriels avec son spécialiste, qui la rassurait.

Pour certains, toutefois, même cette surveillance régulière peut être stressante. Les patients se posent beaucoup de questions sur ce qu’implique la « vigilance » et se demandent pourquoi toute cette « attente ». Ils hésitent à faire confiance à leur spécialiste pour surveiller les bons symptômes et dépister les changements assez rapidement. Pour blaguer, de nombreux patients ont rebaptisé le protocole « attente inquiétante »”. Les patients peuvent se sentir responsables de la surveillance et avoir du mal à penser à autre chose. Pour certains, chaque reniflement, ganglion enflé, mal de tête ou bouffée de chaleur augmente leur niveau d’anxiété. Ils ont peur de négliger un symptôme important, ou de ne pas réagir assez rapidement. Ils peuvent avoir de la difficulté à mener une vie émotive normale. Dans son blogue, Living The Life, où elle raconte divers aspects de son parcours, Alyssa décrit son expérience initiale d’attente vigilante comme « vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête ». Elle explique « Ce n’était pas une attente vigilante, c’était ‘ne rien faire et attendre la prochaine tuile’ ». Tracy Nagy, une infirmière en pratique avancée dans le domaine du lymphome a souvent entendu ce commentaire. « Les patients s’attendent généralement à être traités à la suite d’un diagnostic de cancer et la perspective d’attendre les inquiète. Ils doivent comprendre leurs symptômes et comprendre dans quelles circonstances ils doivent consulter si quelque chose change entre leurs rendez-vous. » En participant de façon interactive à leur programme de soins, ils peuvent atténuer l’impression de se croiser les bras et d’attendre.

Le sentiment d’attendre et de ne pas en faire assez n’est pas la seule préoccupation des patients atteints du lymphome. Certains patients ont expliqué que le fait de ne pas subir de chimiothérapie, d’intervention chirurgicale ou de radiothérapie dans les premiers mois suivant le diagnostic les avait plongés dans un vide identitaire, puisqu’ils n’étaient ni tout à fait des patients atteints du cancer, ni tout à fait des personnes en santé. On reconnaît un patient atteint du cancer à certains signes caractéristiques et, même si cela ne correspond pas à la réalité pour de nombreuses personnes à différents stades de la maladie, c’est ce que s’imagine le grand public. Certains patients peuvent croire que parce qu’ils ne subissent pas de traitement immédiatement, les autres ne leur donneront pas la permission d’éprouver certains des sentiments que peut éprouver une personne venant de recevoir un diagnostic de cancer. Ils peuvent pour ainsi dire se sentir privés de l’occasion de gagner leurs galons de personne atteinte du cancer. Ils peuvent croire qu’ils n’ont pas le droit de demander du soutien ou de vivre les problèmes que connaissent normalement les autres patients venant de recevoir un diagnostic. Ils peuvent avoir besoin d’un certain temps pour adapter leurs attentes et pour se sentir à l’aise dans leur situation particulière.

Bien sûr, même si les problèmes sont assez complexes et que l’attente vigilante peut susciter des émotions très particulières, il est vrai que le fait de recevoir un diagnostic de cancer est unique et complexe dans toutes les situations. Il est important de bien informer les patients au sujet de l’attente vigilante, de leur expliquer que c’est un protocole de traitement valable et qu’il s’agit de la norme de soin dans de nombreux cas de lymphome. Ce protocole comprend également des avantages. Parfois, ne rien faire est la solution idéale pour certaines personnes. Alors que de nombreux patients venant de recevoir un diagnostic de cancer sont propulsés dans un tourbillon d’activité et de prise de décision, l’attente vigilante accorde aux gens le temps d’apprendre, de communiquer et d’explorer les options qui s’offrent à eux. Ils peuvent se rassurer en se disant que les spécialistes ne considèrent pas que le lymphome constitue une menace imminente pour leur santé et qu’ils n’ont pas à être exposés aux risques de la chimiothérapie avant que cela ne soit vraiment nécessaire. De plus, en retardant la chimiothérapie jusqu’à ce qu’elle soit requise, la résistance potentielle aux médicaments de chimiothérapie peut être réduite au minimum, et le traitement peut donc être plus efficace lorsqu’il est administré.

Une recommandation d’attente vigilante s’accompagne de problèmes et de défis uniques et ne semble pas toujours la bénédiction que certains prétendent. Les patients ont besoin d’être appuyés pour comprendre la décision d’être simplement suivis au lieu de subir un traitement immédiat et agressif de leur cancer, et pour l’expliquer à leur famille, leurs amis et leurs connaissances. Il n’est pas nécessairement facile d’apprendre à poursuivre sa vie dans ces conditions, mais le simple fait de comprendre que ces sentiments sont normaux peut faire toute la différence.

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