Avoir le cancer, pour un jeune adulte, est particulièrement problématique sur les plans social et relationnel. On m’a souvent demandé quels effets ça avait eu sur les relations avec ma famille et mes amis.

par Robin Harry

Seal: « Don’t Cry »

When we were young, and truth was paramount,
We were older then, and we lived our lives without any doubt
Those memories, they seem so long ago, what’s become of them?
When you feel like me I want you to know
Don’t cry, you’re not alone…

Avoir le cancer, pour un jeune adulte, est particulièrement problématique sur les plans social et relationnel. On m’a souvent demandé quels effets ça avait eu sur les relations avec ma famille et mes amis. En vérité… c’est très compliqué. Je suis à l’âge où la plupart des gens trouvent leur voie. Ils font la lumière sur des éléments comme leur carrière, leur emploi, la gestion de leurs finances, trouver l’amour de leur vie, avoir et élever des enfants, trouver une maison, prendre soin de leurs parents. Je suis bien placée pour le savoir : c’est tout ce que j’essayais de faire quand je suis tombée malade.

Today I dreamed of friends I had before,
And I wonder why the ones who care don’t call anymore…

Voici ma théorie sur ce qui arrive lorsqu’au début de la vie adulte, vous recevez un diagnostic de cancer, ébranlant ainsi la perception de la vie de tout le monde autour. Les âmes sensibles et les nombrilistes disparaissent. Ils se taisent, ne demandent plus comment vous allez, ou pire, réduisent votre relation à un « poke » occasionnel sur Facebook (d’ailleurs, je déteste cette option, et ne comprends pas pourquoi elle existe toujours sur Facebook). Ce sont là des gens qui, avec le recul, n’avaient pas exactement la trempe des meilleurs amis, et vous vous apercevez que leur présence ne vous est pas essentielle.

Les bons amis, eux, restent. Ils ne vous lâchent pas, s’assurent que vous allez bien, ils vous demandent s’ils peuvent aider, offrent leurs prières, une oreille attentive, une épaule pour pleurer, des câlins et toutes ces bonnes choses. Mais alors que le temps passe, et que la nouveauté et la panique du début s’estompent, ces amis pensent selon l’une des options suivantes :

1re option : Ah, ben vous êtes correct. Vous avez l’air bien, vous sonnez bien. Vous n’êtes pas si abattue qu’ils ne le croyaient, et n’avez pas vraiment besoin de tant d’affection.

2e option : La vie continue, et ils ne peuvent se permettre de vous accorder autant de temps qu’ils l’auraient cru. Les mois de traitement sont beaucoup plus longs qu’il n’y paraissait au début.

3e option : Comme vous êtes malade et probablement trop épuisée pour recevoir, parler ou faire quoi que ce soit, ils vous font une faveur, dans le fond, en vous laissant seule, en vous évitant leur chaos.

4e option : Les amis supposent que vous les appellerez quand vous aurez besoin d’eux (ce qui est terriblement faux, en passant).

Alors voilà, après une réflexion implacable, les jeunes patients cancéreux doivent gérer un grand volume d’appels quand commencent les épreuves, puis quelques mois plus tard, des jours peuvent s’écouler sans avoir de nouvelles du « monde extérieur ». C’est là que l’isolation commence à peser lourd.

My feelings hurt, but you know I overcome the pain,
And I’m stronger now; There can’t be a fire unless there’s a flame.
Don’t cry…you’re not alone…

Il est vrai que j’arrive à bien tenir le coup, mais je trouve très difficile d’être constamment reléguée au rôle de spectatrice, au deuxième rang, voire d’être oubliée ou ignorée. Il est important pour moi de comprendre la situation, et les raisons qui l’expliquent. L’explication principale est la suivante : « Il ne s’agit pas que de moi. » Avoir le cancer est une épreuve si accablante qu’il est facile d’oublier que tous ceux qui nous entourent ont leurs ennuis eux aussi. Il est essentiel de comprendre que tous ces gens ne sont pas soudainement devenus insensibles; ils essaient juste de survivre à leurs épreuves, tout comme j’essaie de survivre aux miennes. Ils restent de bons amis, peu importe ce qui arrive. Les relations changent à mesure qu’évolue la situation, mais après tout, toutes les relations changent. Le cancer n’est qu’un catalyseur parmi tant d’autres. D’ailleurs, ce sont durant de telles épreuves que je dois me rappeler ma foi, et la promesse de Dieu de ne pas me laisser seule.

Tout cela pour dire, aussi compliqué que ce soit, je ne m’en fais pas trop avec ça. Si la dure épreuve du cancer fait de moi une personne plus autonome (et je suis en effet plus forte), c’est une leçon qui aura de la valeur. Je fredonne régulièrement la chanson de Seal à moi-même; je suis à la fois la chanteuse et l’objet de la chanson. Le soutien de moi, à moi, à son meilleur.

The challenges we took were hard enough
They get harder now, even when we think that we’ve had enough
Don’t feel alone, cause it’s I who understands
I’m your sedative, take a piece of me whenever you can
Seal: « Don’t Cry »

Robin: lymphomalowdown@gmail.com

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