Cette semaine, j’avais un suivi avec un de mes spécialistes de la fertilité (celui que j’aime bien). Nous devions discuter des résultats du contrôle de mes cycles et les chances que ceux-ci me permettent de devenir mère.

par Robin Harry

« Qui donne une maison à la femme stérile, la rendant mère de plusieurs enfants et joyeuse. Louez l’Éternel! » (Psaume 113 :9)

Cette semaine, j’avais un suivi avec un de mes spécialistes de la fertilité (celui que j’aime bien). Nous devions discuter des résultats du contrôle de mes cycles et les chances que ceux-ci me permettent de devenir mère. Les résultats allaient comme suit : le nombre de follicules antraux (les ovules qui deviennent mûrs au début du cycle) se situe dans la faible moyenne. Mon taux d’hormone folliculostimulante (FSH) est élevé, ce qui n’est pas non plus bon signe. C’est un peu comme quand on est si fatigué qu’on a besoin d’une dose supplémentaire d’expresso pour fonctionner à notre rythme normal. Un taux élevé de FSH signifie que mes vieux ovaires usés ont besoin d’un coup de pouce supplémentaire pour fonctionner normalement. L’ovocyte qui a été libéré lors de l’ovulation était petit, plus petit à tout le moins que de raison. Qui plus est, mon taux d’hormone antimüllérienne (AMH) est faible. Extrêmement faible. Les taux d’AMH sont des indicateurs du niveau de la réserve ovarienne, ou du nombre restant d’ovules. Eh bien, il m’en reste bien peu.

En somme, mes chances de tomber enceinte, à ce moment-ci, se situeraient autour de 5 à 10 %. Dans quelques années, je serai probablement ménopausée, incapable de concevoir. Et comme je n’aurai pas d’enfants maintenant, l’essentiel se résume au fait que je ne pourrai sans doute pas avoir d’enfants biologiques. La chimiothérapie a fait passer mes ovaires de 29 ans à des ovaires de 42 ans.

Je suppose que j’espérais avoir réussi contre toutes attentes à empêcher la détérioration, mais je savais au fond ce qui m’attendait. Par contre, d’en être consciente n’a pas rendu la chose plus facile à entendre. Je suis toujours convaincue que j’ai pris la meilleure décision, lorsque j’ai choisi de ne pas procéder à la FIV pour commencer le traitement. J’essaie de ne pas vivre avec des regrets, mais je dois dire que j’avais pour la première fois l’impression d’avoir laissé le cancer me ravir une partie de moi. Je me sens comme de la marchandise abîmée, en vérité, comme si j’avais tout à coup moins à offrir à ce monde. Je ne donnerai possiblement jamais de petits-enfants à mes parents. Un jour, je devrai regarder un homme dans les yeux pour lui dire que je ne porterai jamais ses enfants. Quelque part, dans un terrain de jeu dans le futur, un enfant clame haut et fort que Superman est franchement plus chouette que Batman, ou que Jennifer Lopez est l’une des plus grandes chanteuses des années 90, mais mon enfant n’est pas là pour lui dire qu’il est complètement dans le champ.

Peut-être est-ce ce qui devait arriver. Peut-être que je ne devais pas avoir d’enfants. Je serais très attristée d’être la mère d’un enfant qui, un jour, en entrant dans la maison, annonce : « Maman, j’ai le même cancer que tu as eu! » Comment pourrais-je vivre avec le fait que j’ai transmis cela un enfant? Sans oublier que j’ai eu un lymphome non hodgkinien, qui comporte un haut risque de récurrence. Sans parler des cancers secondaires qui me guettent à la suite du traitement, les maladies du cœur, l’AVC, etc. Il y aurait toujours une possibilité pour que mes enfants se retrouvent avec une maman très malade, ou se retrouvent carrément sans maman à un très jeune âge.

Je suis convaincue que mon médecin a perçu mon malaise à trancher le dilemme. Il m’a d’ailleurs recommandé ce à quoi je n’avais jamais cru avoir recours : un psychologue. J’ai rencontré une travailleuse sociale/psychologue pour parler de mes options. Elle était géniale, elle m’a vraiment aidée à déterminer ce que je voulais et ce qui était le mieux pour moi. Nous avons convenu de ceci : étant donné qu’il est évident que je n’aurai pas d’enfants à ce moment-ci, étant donné que mes ovules ne sont pas en état d’être congelés, et étant donné que je ne veux pas congeler des embryons fécondés grâce à un donneur de sperme, des embryons qui demeurent des êtres humains potentiels que je serais peu à l’aise de rejeter si je ne me marie pas, je devrai laisser la nature suivre son cours.

Je ne veux pas avoir des enfants simplement parce que j’en veux, ou parce que je peux en avoir. Je rêve d’une famille. Une belle petite famille nucléaire. C’est tout ou rien. C’est du moins ce qui me convient, à MOI. S’il advient que j’ai la chance de fonder une famille, j’aurai l’option soit de tomber enceinte grâce au don d’ovocyte, soit d’adopter un « embryon », soit d’adopter un enfant. Heureusement, les options demeureront les mêmes, peu importe ce qui arrive.

Alors me voilà, une jeune femme avec des vieux ovaires. Mais comme le dit le verset, Dieu réserve une place pour la femme stérile. Heureusement, Dieu n’a rien contre la marchandise abîmée.

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